La plupart du temps, on tirait les rideaux
Texte de Marion Solange-Malenfant
Sélection 2024 Coups de cœur du Comité de lecture du Théâtre de la Tête Noire / Saran
Résumé/
Pour réaliser son désir d'écriture, une fille a quitté sa famille. Mais des années plus tard, un souvenir presque anodin l'obsède. Elle ne cesse de penser à son père et à son frère, lors d'une soirée où tout à basculé. En convoquant ses souvenirs, elle réinvente son passé. Elle raconte ses rêves d'évasion, ses envies de faire la fête, ses désirs de grands voyages alors qu'elle n'était encore qu'étudiante. Elle raconte son frère, de plus en plus souvent enfermé dans sa chambre, entouré de sa collection de boules à neige. Elle raconte aussi son père, si maladroit avec ses enfants devenus jeunes adultes. Dans le petit appartement où ils vivaient tous les trois, écrasés par l'absence de la mère, elle décrit leurs visions du monde qui s'entrechoquent. Le frère, prônant le droit d'exister en marge de la société en développant son monde intérieur, elle-même, cherchant à s'émanciper des schémas traditionnels et au milieu le père, bloqué dans un passé glorieux et hétéronormé. Ce père, qui va finir par lui demander d'inviter une amie, pour obliger son fils à sortir. Lorsque l'amie arrive enfin, le huis clos est brisé. Chacun projette ses espoirs sur elle. Tout semble alors possible…
Extrait/
La fille-
Mes souvenirs de cette période sont plutôt flous.
Peut-être parce que je n'étais déjà plus vraiment là.
Je fuyais papa ou toi et ta musique, je ne sais plus.
J'enjambais la fenêtre du salon et je laissais les rideaux en crochet se tirer sur moi.
Je disparaissais sous les marronniers aux fleurs blanches.
J'inventais mon monde en courant sur les pavés, loin des miaulements des chats boxeurs.
Je sais que tout cela,
tout ce qui s'est passé à l'intérieur,
a eu lieu,
mais je n'ai pas d'image.
Ou je pense avoir des images,
mais quand je cherche à les regarder,
elles tombent une à une.
Comme les carreaux de mosaïques bleus et roses des tours.
Tout s'effrite.
Je suis face à un monceau de carreaux de chimères familiales.
J'invente, je réécris, je crois dire le vrai.
Personne n'est là pour me détromper.
Finalement, je peux dire que j'ai vécu cette scène et vous me croirez.